Overblog
Editer la page Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Chapitre 18 Contacts avec le directeur et le médecin

Ce soir nous recevons à la maison il ne me faut pas déborder avec Paul. Je conclue la séance avec ma patiente avant même d’avoir entendu son coup de sonnette. Je le guide rapidement vers sa chaise et ouvre la séance :

- avez-vous travaillé sur d’autres détails ou avez-vous fait avancer votre défense par l’analyse des courriels.

– j’ai fait les deux, j’ai rassemblé tous mes courriels de fin d’année et j’ai complété avec quelques éléments.

– aujourd’hui j’ai une obligation alors vous ne pourrez pas déborder.

– je vais lire vite mes extraits de mon historique : « Ma sœur Cara m’a dit que notre mère avait été contente de prendre une douche, j’ai abordé une infirmière pour qu’elle consulte le dossier médical de notre mère afin de vérifier la date de son arrêt cardiaque. J’ai rencontré des difficultés mais elle a fini par me répondre. En réponse sur le comportement de notre mère, il m’a parlé de la toilette qui n’est faite qu’au gant de toilette pour les personnes qui n’avait pas eu de douche pendant une grande partie de leur vie. Cette contradiction entre les deux informations m’a incité à demander à voir le médecin. Elle m’a dit qu’il fallait d’abord demander au directeur. J’ai fait une demande par courriel et je l’ai rencontré le 8 décembre. Le 9 je lui fait une sorte de compte-rendu de notre entretien : bonjour, Je vous remercie de m'avoir reçu. Je regrette de vous avoir pris autant de temps. Je vous remercie pour votre écoute qui m'aide à tourner la page de tous ces flottements pour l'entrée de notre mère dans votre établissement.
Cela ne s'est pas passé suivant vos procédures et mes expériences avec trois autres Ehpad. Après notre discussion la situation m'est plus claire. L'origine du problème est une annonce maladroite sur l'état de santé de notre mère à ma sœur Morgane. Sa grande sensibilité, son refus de la maladie d'Alzheimer et ses expériences médicales malheureuses l'ont fait déraper. Pour faire suite de sa demande j'ai essayé de partager les tâches. Si ma sœur a bien mis en place la coiffeuse et la pédicure, leurs règlements peuvent poser des problèmes. Bien qu'ayant transféré et étudié en détail le dossier médical de notre mère, elle n'a pas traité lors de ses 39 visites en un mois (d’après ses dires) la question du rappel Covid de notre mère. J'avais signalé à mes deux sœurs peu après l'entrée de notre mère l'absence de ce rappel sur le site AMELI de notre mère. J'ai demandé mon autre sœur Cara qui vient voir notre mère souvent de s'en occuper. C'est fait notre mère sera vacciné le 16 décembre. Ces éléments et ceux vu ensemble font que je dois être le premier prévenu des difficultés avec notre mère et qu'en cas d’urgence si je ne suis pas joignable ma sœur Cara ( 06 72 06 55 23)
Nous veillons ainsi à l'intérêt de notre mère et protégeons aussi notre sœur Morgane qui est incapable de supporter des mauvaises nouvelles concernant notre mère. J'ai craint pour sa santé mentale cet été. Je pense que ça va mieux maintenant, qu'elle ne me créera plus de problème, que je n'aurai pas à refaire ce type de démarche.
J'ai apprécié votre confiance, vous m'avez dispensé de sortir les documents que j'avais apportés. Néanmoins je vous en envoie un qui n'a peut-être pas de valeur mais qui est dans l'esprit de notre futur fonctionnement.
Je reviens au concret je souhaite avoir une copie du dossier médical de notre mère, copie que je vous réglerai, ou que je numériserai moi-même. Désolé j'ai oublié de vous demander comment vous souhaitiez que nous procédions.
Bien cordialement ».

– dites-moi quelques mots sur ces faits avec votre regard actuel !

– En lisant il m’est revenu que l’infirmière désagréable était celle qui avait accepté que notre mère soit en GIR 5 pour faire plaisir à Morgane quand elles sont restées en tête à tête lors de la visite de l’établissement en mars. Notre mère est restée plus de deux mois sans protection contre la Covid. Morgane le savait puisqu’elle m’a envoyé la partie du dossier médical ou il était écrit que notre mère n’avait pas eu son rappel. J’avais confondu ce rappel important avec la vaccination contre la grippe. Ma demande de voir le dossier médical me paraissait justifiée puisque j’étais la personne de confiance. Je retourne à lecture de mes notes : « Le 10 décembre 2011 un cas de Covid provoque une fermeture temporaire de la Résidence des Jours Gris. Et notre mère n’avait pas encore eu son rappel de vaccin. Le 23 décembre je rencontre le médecin de l’Ehpad. La discussion est plutôt cordiale, il garde la page avec la référence de la thèse de ma fille. Le lendemain je rédige le courriel suivant : ‌Bonjour à vous mes sœurs et à vos conjoints.
Hier j'ai complété avec le médecin référent de l'HEPAD le dossier de maman. Je lui ai remis deux anciens comptes-rendus. 
Il dit que la détection précoce de la maladie de notre mère aurait pu permettre de freiner son déclin.  J'ai répondu que malheureusement le déni est courant chez les proches. 
Notre mère, elle, est dans le déni de la vieillesse ce qui a plusieurs conséquences. Pour elle ce sont les vieux qui ont des problèmes de santé donc elle affirme qu'elle n'a rien et ne se plaint pas. Résultat elle est difficile à soigner. Elle ne comprend pas ce qu'elle fait au milieu des vieux. D'où ses moments de dépression qui obligeait le personnel du Jardin du Bien-Etre à nous la mettre en communication téléphonique pour que nous rassurions. A la Résidence des Jours Gris elle se pose la même question. Résultat je l'ai trouvée deux fois seule dans sa chambre dépressive avec une envie de fermer le parapluie. Le médecin m'a dit que ça lui faisait plaisir d'entendre ma bonne compréhension des GIR. Le niveau de GIR n'est pas dévalorisant pour la personne c'est un outil pour bien adapter l'aide à apporter. Notre mère par son intelligence qui compense partiellement son absence de mémoire et sa mémoire des gestes fait qu'elle se trouve à un GIR entre 2 et 3. Le médecin ne souhaite pas abuser des fonds départementaux c'est pour cela qu'il l'a noté en 3 bien que son état nécessite pas mal d'encadrement.


Notre mère n'est plus celle de notre jeunesse comme Morgane me l'avait dit alors que maman était encore chez elle. Elle mange des plats qu'elle n'aimait pas. Elle n'a plus peur de l'eau, elle aime prendre une douche et se faire laver les cheveux. Mais pas toujours, la consigne donnée aux soignants et de faire en fonction de l'humeur du jour de notre mère. Avant 2008 une fois sur deux elle me disait que Raoul ne lui servait à rien, la fois suivante c'était presque son chéri. Elle est peut-être une peu moins changeante parce qu'elle est d'après le médecin de plus en plus dans son monde à elle. Elle sera probablement de moins en moins souvent dépressive. La plupart du temps elle affiche une bonne humeur, elle se veut rassurante pour pas qu'on s'inquiète pour elle. Personnellement je pense qu'il lui arrive de souffrir de son déclin car elle est parfaitement consciente de sa perte de mémoire.
Après avoir fini le complément d'historique le médecin m'a donné les éléments récents :
- le vaccin contre la grippe a été injecté le 17 septembre
- le malaise du 19 septembre était dû à son hernie.
- la réévaluation du GIR a eu lieu le 16 décembre
- le rappel pour le COVID le 21 décembre.
J'espère avoir bien résumé mon entretien avec le médecin.
Je traiteraient les défaillances administratives de la Résidence des Jours Gris qui m'ont créé beaucoup de travail avec le directeur. Comme Cara et Morgane l'ont constaté avec le mail de Mme Miellet j'arrête d'être gentil, je ne ménage plus personne et j'ose être ferme. Je ne suis pas infaillible, si je commets une erreur je l’assume et la corrige au plus vite. Vous me les signalerez si vous en constatez. Bonnes fêtes à tous ».

Je fais signe à mon patient d’interrompre sa lecture :

- Vous venez de lire un message à vos sœurs qui est surtout informatif. Dites-moi quels éléments ont pu susciter de la colère chez votre sœur.

– quand je l’ai écrit, je pensais taquiner Morgane avec le GIR car je connaissais son refus du GIR 2 qu’elle avait fait partager à l’Ehpad. Mme Miellet a fait une demande tardive d’aide départementale pour un GIR 3 mais me facturait la dépendance pour un GIR 2. Pour éviter un découvert j’ai dû faire un virement sur le compte de notre mère. Je sais maintenant que la phrase sur la douche a déplu. Cela ne collait avec la certitude de Morgane que notre mère avait de l’eau. Contrariée elle a appelé Mme Miellet pour se plaindre de mon écrit qu’elle considérait comme méchant.

– votre message n’est pas insultant ni diffamatoire. Il ne peut pas être considéré comme harcelant. Là vous avez bien suivi notre programme mais un point m’intéresse plus. Vous avez écrit à vos sœurs que vous arrêtiez d’être gentil. L’avez-vous vraiment fait ?

– bien sûr que non docteur. Je le voulais mais je n’y suis pas arrivé.

– Vous ne pensez pas qu’il y a là une cause de problème ? Réfléchissez-y nous approfondirons ce point la semaine prochaine. Notre séance est terminée.

Cette fois encore Paul m’a montré qu’il gère mal les conflits, notamment avec sa sœur Morgane. Probablement à cause d’un aspect de sa personnalité qu’il tente de corriger sans succès. J’ai l’impression qu’il y a des non-dits dans ses messages qui ressemblent trop à du politiquement correct. Il a conscience de ses actions et réactions et il veut une amélioration des interactions familiales mais sa gestion de ses propres émotions reste peu efficace.

Partager cette page
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :