Chapitre 17 Le début des gros problèmes
Paul a l’air détendu sur sa chaise. Je suis étonné de le voir si calme car la dernière séance a été émotionnellement chargée. Je l’interroge : - vous allez bien aujourd’hui ?
– oui docteur, j’ai fini de mettre sur le papier le changement d’Ehpad et c’est un moment où je me suis fait aider par Cara et où j’étais dans l’acceptation de la situation. J’ai pu aussi avancer dans les courriels et comme pour ceux de la dernière fois je ne vois rien qui puisse m’être reproché.
– Je vous écoute sur les détails du changement et surtout sur vos réactions.
– Je vous lis mon écrit : « Cara était très remuée par ce qu’elle percevait comme un conflit entre Morgane et moi. Elle discutait séparément avec nous deux. Elle voulait nous réconcilier. J’étais d’accord, je ne pouvais plus empêcher le changement alors autant essayer de le réussir tous ensemble. Morgane ne répond pas à ma demande de concertation sur l’administratif. Cara a organisé avec elle le détail du transfert. Je suis passé chercher Cara à son domicile et nous devions rejoindre Morgane à l’Ehpad. Constatant que nous serions un peu en retard j’ai demandé à Cara d’appeler Morgane pour qu’elle nous attende. Elle a répondu au téléphone qu’elle serait dans la chambre de notre mère. Quand nous sommes arrivés elle était partie en emmenant notre mère. Nous avons chargé les meubles et souvenirs pour libérer la chambre et sommes parti pour la Résidence des Jours Gris. A l’accueil la standardiste nous a dit d’emménager la chambre, que nous ferions l’administratif après et elle a appelé l’homme qui fait l’entretien pour qu’il nous guide et nous aide. Nous avions terminé quand Morgane est arrivée avec notre mère. Elle a mis longtemps parce qu’elle était passée chez elle pour photocopier le dossier médical de notre mère. Elle avait réussi à se le faire remettre alors qu’il aurait dû être transmis entre médecins. Encore un exemple de sa capacité de manipulation auquel je n’ai pas fait assez attention ».
– Paul n’oubliez pas de me dire vos ressentis
– à ce moment-là j’étais dans l’action, je ne laissais pas de place aux émotions. Je reprends : « Nous avons conduit notre mère à sa chambre et j’ai laissé mes sœurs déballer les vêtements pour aller visiter l’établissement. Je me suis trouvé devant une porte fermée à l’extrémité du réfectoire. Une infirmière est venue m’ouvrir est m’a demandé qui j’étais. Elle m’a dit de venir remplir leur dossier sur les goûts habitudes de ma mère. Quand je les ai rejointes Morgane était furieuse elle m’a reproché à tort de ne pas lui avoir dit bonjour et de ne pas avoir répondu au téléphone de Cara pendant que j’étais dans le local infirmier. Leur téléphone sonnait tout le temps avec la même sonnerie que le mien. Morgane a dit qu’elle devait partir voir une tante de son mari. C’était plus important pour elle que de finir d’installer sa mère. Je suis allé à l’accueil avec Cara et un exemplaire du dossier d’inscription que j’avais préparé. J’avais fait rédiger à notre mère ses volontés et une désignation sans nom de la personne de confiance. Je pensais mettre le nom de Morgane si elle le souhaitait. Son départ qui ressemblait à une fuite m’a obligé à mettre mon nom. Bien plus tard Morgane fera une procédure pour que je perde cette position que j’étais prêt à lui transmettre. La standardiste a vérifié que toutes pièces y étaient et a refusé de prendre les documents contractuels que je voulais que l’on signe à deux pour respecter la tutelle. Cara m’a expliqué que les contrats avaient été signés par Morgane et envoyés le 30 juillet. De retour à mon domicile j’ai constaté ma grave erreur j’avais pris une image écran du courriel sans remarquer qu’il faisait deux pages et que les contrats étaient sur la deuxième ».
Je fais signe à Paul de se taire. Je lui demande de faire une pause et de respirer calmement pour ne pas laisser monter les émotions. Après quelques minutes je l’engage à reprendre :
- continuer à lire ce que vous avez extrait de votre historique des événements mais parlez plus de vos ressentis.
– d’accord. Avec Cara nous avions décidé de nous concerter pour ne pas rendre visite à notre mère en même afin qu’elle ait plus de visites. Cara disait que Morgane était d’accord et elle a convaincu Morgane d’accepter de me rencontrer pour mettre fin aux tensions. Voici mon texte tel qu’il a été écrit ce jour-là: « Le 28 octobre 2011, Morgane me rejoint devant l’Ehpad pour ce que je pensais être une tentative de réconciliation. Elle commence par me donner l’ordre de ne pas parler puis elle se lance dans une série de reproches infondés. Je l’écoute puis me lève et traverse la route. Elle me rattrape, j’accepte de retourner sur le banc, elle me dit qu’elle m’admirait avant, que maintenant je la déçois, je réponds que moi aussi je l’avais admirée pour la façon dont elle avait réussi à se trouver du travail en bluffant. Nous repartons ensemble vers l’entrée de l’Ehpad. Elle me dit qu’elle fournira leur déclaration d’impôt pour fixer leur contribution à la charge de notre mère. Je me doute que cela lui favorable. Je lui donne un tableau comparatif des coûts pour qu’elle se rende compte de l’impact de son initiative ».
Je pensais alors lui faire prendre conscience de son égarement et espérait qu’il lui reste un fond d’honnêteté. Maintenant je sais que j’ aurais dû voir ses talents de manipulatrice.
A mon retour j’ai repris mon tableau pour améliorer sa lisibilité. Je lui ai envoyé le lendemain en pièce jointe : « Bonjour Morgane, Je t’envoie un tableau plus clair. Je te téléphone après ma vaccination en fin de matinée pour que nous fixions ensemble les versements ».
Bisous.
Morgane n’ose pas refuser de verser 200 € par mois. Ce qu’elle fera ensuite probablement sur les conseils de son avocate pour éviter de se mettre en faute.
Puis il y a une série d’échanges téléphoniques. Morgane a cherché à convaincre Cara et moi de l’intérêt de faire une demande d’Aide Sociale à l’Hébergement en leur disant que le département avait tout payé pour la mère de son mari et qu’ils n’avaient rien remboursé lors de la succession. La maison aurait été vendue 420 000 Euros dans ce qu’ils ont dit à Cara. A moi, c’était 360 000. Puis elle a fait faire une demande d’Ash à Cara en exigeant des relevés bancaires que j’ai accepté de fournir à Cara qui a refusé de signer la demande. Morgane l’a signée sans tenir compte des réticences. Je croyais à ce moment-là que sans ma signature la demande d’ASH serait rejetée. Car le jugement de tutelle était joint.
Convaincu que cette demande est abusive, j’ai téléphoné à Morgane, elle n’a pas assumé et m’a menti en disant que c’est Cara qui tient à cette demande. Alors j’ai fait un courriel : Bonsoir Morgane, lors de toutes les décisions concernant notre mère j'ai pris ton avis en premier puis celui de nos sœurs. J'ai respecté l'esprit de la cotutelle. Cet après-midi tu m'as dit que Cara ne t'avais pas dit exactement ce que je pensais de la demande d'ASH et que toi tu n'y tenais pas. Je trouvais cette aide abusive. Il doit être possible d'y renoncer je te demande donc ton accord écrit pour renoncer à cette demande. Personne ne pourra dire que je fais tout seul.
Bisous
La réponse est arrivée le lendemain, le 25 novembre: Je ne renonce pas à la demande d’ASH.
Morgane et Lucas.
Pendant le cancer de Morgane, Je croyais la soutenir en l’appelant tous les jours. J’ avais l’impression nous étions très proches et je lui avais fait des confidences. Morgane avait été très maligne en lui disant qu’elle avait trouvé un brouillon de lettre de leur père où il accusait le neveu de leur mère d’être notre père à elle et à moi. Ce point commun nous rapprochait. Bien après j’ai appris qu’elle avait utilisé la même astuce avec Cara.
J’ai cherché à faire comprendre à ma sœur qu’elle ne peut pas lui nuire avec mes confidences avec ce message : Bonjour Morgane, nos dernières discussions m'ont aidé à mieux me connaître. J'ai donc pu parler à mon épouse de ce qu’étaient mes relations avec Perrine. J'ai meilleure conscience et cela me fait du bien. Je te remercie pour cela même si tu n'en as pas fait exprès. Cordialement. Paul ».
Paul lit dans mon regard ma demande d’une pause dans sa lecture. Je lui fais part de ce que montre son texte :
- vous avez mis une multitude de détails qui montre que vous n’arrivez pas à oublier. Cela doit provenir de votre grande sensibilité refoulée. Vous essayez d’être dans le factuel pour éviter les émotions. Le dernier point montre que vous avez craint un chantage de la part de votre sœur, votre besoin de peurs injustifiées pour vous créer des émotions. Vous feriez mieux de vous laisser aller à ressentir celles que les événements induisent.
– c’est vrai docteur on me l’avait déjà dit. Je pense que les courriels que j’ai cités ne sont pas du harcèlement. S’il reste un peu de temps j’aimerais vous en lire un dernier.
– vous pouvez s’il est court
– il l’est, je l’avais écrit pour l’équilibre des comptes le 3 décembre 2011 : « Bonjour Le nouveau coût de l’Ehpad risque de finir par être difficile à supporter. Je ne pense pas comme toi que notre mère ne vivra plus que 12 ou 18 mois. Elle peut vivre très longtemps avec la maladie d'Alzheimer. Pour retarder l'augmentation de nos versements il serait bon que tu prennes en charge le coût du déménagement. Du fait des situations financières respectives des assujettis alimentaires il serait bienvenu que tu assumes plus du quart de la charge du fait que tu es à l'origine de l'augmentation. Je te rappelle que j'ai eu du mal à empêcher l’ancien Ehpad de garder notre mère et de nous mettre en justice pour mise en danger de sa vie après tes paroles à la cadre de santé. J'ai rendez-vous le directeur de l’Ehpad pour éventuellement mettre en place un virement individuel direct de chacun de nous quatre ce qui rendrait nos versements partiellement déductibles des impôts. En espérant une bonne réaction de ta part qui montrerait que comme moi tu veux éviter les conflits. Bisous, Paul ».
– bien, il me reste juste le temps de vous confirmer que vos messages ne sont pas dans le style d’un harceleur. Vous vous êtes livré franchement ce qui est un bon signe pour l’évolution de votre thérapie. Nous conclurons sur cette note optimiste.