Chapitre 13 Le passage à l’écrit dans les échanges

Nous sommes assis de part et d’autre de mon bureau. Après les échanges courtois habituels, je lui rappelle sa priorité :

- vous deviez analyser vous courriels, qu’avez-vous envoyé après le 1^er septembre ?

– rien avant le 14, comme ce mail a été utilisé contre moi. Il doit être bien expliqué. Avant de vous le lire je vous raconte ce qui figure dans mon journal des événements :

- En août, Cara m’a appelé pour me dire qu’elle avait hâte que cette affaire se termine. Je lui ai parlé du coût supplémentaire. Sa réponse a été si on avait su on ne l’aurait pas fait. Maintenant je pense qu’elle regrettait ce qu’elle avait fait pour Morgane. Le 2 septembre Cara me parle du dépôt du chèque de caution qu'elle a dû faire pour avoir une réservation de place à la ‘‘Résidence des jours gris’’. Elle devait être rappelé le lendemain. Le 3 septembre elle m'appelle pour me dire qu'elle n'a pas été rappelée. Je lui dis que nous allons attendre une semaine et que je rappellerai moi-même. Je téléphone le 9 septembre à l'Ehpad. C'est la standardiste me répond et je ne peux pas parler à Mme Miellet. Cependant cette dernière a dû appeler Morgane et elles ont fixé la date d’entrée au 14 septembre sans tenir compte du préavis et nos disponibilités. Le 9 septembre Morgane daigne répondre au téléphone. Elle commence par me reprocher de ne pas l’avoir attendue pour le déménagement de notre mère. Je lui ai rappelé comment cela s’est passé.  Elle voulait décider seule de l’organisation. Elle avait pris des contacts et proposé une brocanteuse. Notre neveu François proposait de le faire tous ensemble et il aurait emprunté les véhicules de son employeur et organisé le stockage des meubles. J’avais des doutes sur le travail collectif et je faisais confiance à Morgane. J’ai défendu son projet puis pris contact avec la brocanteuse pour organiser une rencontre dans l’appartement de notre mère le 2 octobre. Morgane m’a demandé de reporter car elle avait des locataires et allait revenir de ‘’Rivage libéré’’ que le 5 octobre. Je déplace la réunion au 6. La brocanteuse m’a informé que ce retard peut créer des problèmes car l’équipe de manutention ne sera bientôt moins disponible. Le 6 octobre j’ai téléphoné à Morgane pour savoir si elle était dans sa maison du Pouzin. Elle m’a répondu oui. La réunion a lieu à 14 h et elle n’est pas venue. Plus tard elle me dira qu’elle n’est pas venue pour ne pas rencontrer notre neveu François. Ma sœur s’est vexée et m’a déclaré qu’elle n’est pas une menteuse, que ce n’est pas possible parce qu’elle déteste le mensonge, et qu’elle n’est pas une voleuse. Ecœuré par sa mauvaise foi, j’ai raccroché sans comprendre pourquoi elle me parlait de vols. Plus tard Cara m’a dit que Morgane avait cru que je l’accusais de vouloir voler notre lorsque je la dissuadais de créer un découvert en payant la caution avec le compte de notre mère. Puis il y a eu de nombreux échanges à propos de la date du déménagement Cara ne pouvait pas avant le 30 septembre et Morgane voulait le faire toute seule le 14, elle disait qu’il fallait faire le changement d’Ehpad avant que les ‘’Jardins du Bien-être’’ ne tue notre mère. Elle nous faisait des reproches à moi Cara ce qui l’a conduit à me parler des propos de Morgane. Ils étaient tellement différents de ce que j’avais entendu que j’ai décidé à passer à l’écrit pour les échanges avec mes sœurs.

- Je vous ai laissé parler longuement, le ton de votre voix m’a vite fais comprendre que vous étiez en train de revivre ces nombreuses péripéties. Vous n’avez pas dû beaucoup dormir. Vous n’avez pas pensé à vous faire aider à ce moment-là.

– Si docteur, j’avais reçu une offre de ma mutuelle pour des réponses rapides par internet, alors j’ai consulté une addictologue pour ne pas basculer dans l’alcoolisme. J’ai oublié un point important. Morgane a envoyé le 12 septembre la dédite aux ‘’Jardins du Bien-être’’. Elle m’avait demandé de le faire en juillet, j’avais refusé. Pour me convaincre elle avait dit qu’elle prendrait notre mère chez elle jusqu’à que l’Ehpad ait de la place. Je ne le voulais pas pour protéger ma sœur qui ne se rendait pas compte de ce que c’est de vivre avec une malade d’Alzheimer.

- Les dynamiques relationnelles dans vos relations avec vos sœurs étaient compliquées. Vous avez dû en souffrir, vous auriez pu vous fâcher, dire ce que vous pensiez de ce que je pourrais appeler des délires. Vous ne l’avez pas fait, pourquoi ?

– J’étais terrifié à l’idée que notre mère se retrouve sans hébergement et je ne voulais pas aggraver la dérive mentale de ma sœur en lui parlant durement. J’espérais que le passage par l’écrit mettrait du recul dans nos échanges et ferait réfléchir Morgane.

– abordons maintenant ce courriel que vous considérez comme important. Voyons comment vous avez abordé votre nouvelle stratégie pour améliorer la communication et gérer les soins à donner à votre mère.

– Le voici : « Bonjour à vous mes sœurs, ‌Cara en me disant qu'elle envoyait un mail à Morgane m'a donné une idée pour éviter de reproduire nos erreurs. Pour les points importants concernant notre maman nous communiquerons par mail avec copie à tous. Tout le monde aura la même information. 

 J'assume mes erreurs : je n'ai pas exigé d'être l'interlocuteur à appeler en premier. Résultat : ‘’Les jardins du Bien-être’’ ont appelé deux d'entre vous suivant le numéro qui leur tombait sous la main lors de l’arrêt cardiaque de notre mère. Après on échangeait les informations qui étaient une peu déformées lors des transferts et même ont été parfois contradictoires. J'ai proposé que Morgane soit la personne à appeler, nous autres uniquement en cas d'urgence extrême et d'impossibilité de la joindre. Au téléphone hier nous étions tous d'accord car Morgane a un bon relationnel avec la directrice du nouvel Ehpad, la ‘’résidence des jours gris’’ .

Morgane a fait beaucoup pour palier au déclin notre maman et lui permette de rester chez elle. Elle faisait l'administratif de notre maman, l'emmenait chez le coiffeur tous les mois et le pédicure tous les deux mois, faire les courses, voir le médecin. etc. Elle ne m'a demandé qu'une fois de la remplacer pour emmener notre maman chez le pédicure. Puis quand Morgane m'a demandé pour de raison de santé de la remplacer je l'ai fait volontiers, je trouvais normal de prendre le relais. Car je suis reconnaissant à Morgane de tout ce qu'elle a fait pour maman. Quand il est devenu impossible que maman reste seule, j'ai fait ce que j'ai pu en vous tenant au courant toutes les trois. Là où je me suis gravement trompé c'est que j'ai continué ce fonctionnement alors que Morgane allait mieux. En tant que cotutrice elle pouvait faire des choses, je n'ai jamais voulu l'en priver mais je n'avais pas réalisé que s'occuper d'éléments matériels de notre mère lui manquait. Elle l'avait fait pendant tellement d'années qu'il est naturel qu'elle éprouve ce besoin. J'ai commencé à corriger mon erreur. Morgane a fait la lettre pour le départ des ‘’Jardins du Bien-être’' et parapheras le contrat et le règlement. Ainsi comme elle m'a dit le souhaiter je ne fais plus tout, seul. 

Mes deux principales erreurs sont reconnues et en cours de correction, elle ne se reproduiront pas. Plusieurs professionnels m'ont dit que les changements sont très perturbants et nous avons tous pu constater que la mémoire à court terme de notre maman l'empêche d'apprendre. Je m'inquiétais donc pour l'adaptation de notre mère dans le nouvel établissement. Morgane m'a rassuré en me disant hier qu'elle irait la voir tous les jours pendant deux mois. J'espère bien qu'il en faudra moins pour que notre mère soit capable de reconnaître le chemin jusqu'à sa chambre et s’habituer à son nouveau cadre . 

Il serait bien de connaître la situation en matière de responsabilité civile avant l'entrée. Avant de supprimer celle de maman j'avais demandé celle de l'Ehpad. 

Le règlement de la ‘’Résidence des jours gris’’ prévoit que tous les documents doivent être prêts pour le jour de l'entrée. Nous nous verrons donc entre le retour de Cara et le trente pour compléter certains. 

Bonne journées mes sœurs 
 

Paul repose son papier songeur. Nous restons silencieux un instant puis :

- Paul vous avez l’air très perturbé par votre écrit.  Vous essayer avec une douceur un peu hypocrite d’instaurer une communication plus claire. Vous avez pris votre part de responsabilité en espérant que votre sœur Morgane fasse de même. C’est illusoire.

– Avec ce que je sais aujourd’hui, je me rends compte de mes faiblesses.

– sans trop rentrer dans les détails qu’écrieriez maintenant dans la même situation ? Avez-vous mis des points que vous savez faux maintenant ?

– Je demanderais à Morgane d’arrêter de nous mentir. Je ne la remercierais pas pour ses actions pour la santé de notre mère puisqu’elle a retardé les soins. Je ne lui redonnerais pas une place importante car elle n’avait plus envie de faire quoi que ce soit, elle me l’avait prouvé par la délégation qu’elle m’avait fait. J’ai été aveugle d’une indulgence stupide.

– Ce mail ne dit que du bien de votre sœur, il n’y en pas eu pendant longtemps avant et s’il n’est suivi de près il n’est pas harcelant ni diffamatoire. Il est tard donnez-moi votre carte vitale et le règlement.

Je tends à Paul son carton mis à jour et le raccompagne. Je crains qu’il ait commis beaucoup d’erreurs.